« VOTRE TOAST », aka « TORÉADOR, EN GAAAARDE ».

Chanté par, entre autres, l’immensissime Ruggiero Raimondi dans le film « Carmen » de F. Rosi, sorti en 1984 (https://www.youtube.com/watch?v=4g_otRgzerI - commence à 1’10) cet air est connu comme le loup blanc (ce qui est étonnant puisque c’est une histoire de taureau, mais bon ce sont tous deux des animaux plutôt tendax quant à la domestication).

Récemment, lors de l’un de mes trajets en voiture pour rallier le domicile de mon cher D. au mien, cet air est parvenu, via France Musique, à mes oreilles ; cela faisait des années que cela n’était pas arrivé. J’adooooooore cet air, pour la teneur de la musique tout comme parce qu’il sort de la bouche d’un baryton. À écouter attentivement les paroles du refrain, je me suis dit : « Purée (en vrai, je me suis dit « Putain », mais il est bon de juguler sa grossièreté de temps en temps – hu hu hu) mais c’est la Vie même qui est chantée là ! ». Je les reproduis ici, et je m’explique ensuite.   

Toréador, en garde,

Toréador, toréador,

Et songe bien, oui songe en combattant
Qu'un œil noir te regarde
Et que l'amour t'attend.
Toréador,

L'amour, l'amour t'attend !

Le toréador = l’être humain. L’individu de sexe masculin en l’occurrence car à l’époque de 1/ Prosper Mérimée (auteur de la nouvelle originelle « Carmen », 1845) et de 2/ Georges Bizet (compositeur de « Carmen » l’opéra, 1875), il n’y avait jamais eu de femme torera. Ce n’est qu’en 1886 que Dolores Sánchez, surnommée « La Fragosa », a été la toute première femme à toréer dans une arène.

« En combattant » = la vie et ses vicissitudes.

« L’œil noir » = le taureau, donc la mort (cela peut être aussi l’œil noir de la femme – espagnole – qui assiste, fébrile et encourageante, au combat ; la femme qui dans l’opéra « Carmen » est une femme menaçante - pour tous les autres personnages - par sa trop grande liberté, une femme qui finira tuée comme le taureau).

« L’amour t’attend » = si le torero remporte la victoire, et reste donc en vie, hop, il n’aura que l’embarras du choix pour emballer c’est pesé une ou plusieurs, ne soyons pas petit bras, afficionadas.

Dans les années 90, Canal Plus diffusait certaines corridas et je reconnais qu’il pouvait m’arriver d’en regarder, parfois. J’étais déjà étonnée à l’époque de pouvoir supporter de regarder un spectacle mettant en scène la torture, puis la mort d’un animal étant donné que je suis plutôt femme à détester, depuis mon plus jeune âge, que l’on puisse faire du mal aux êtres vivants (à part les moustiques, parce que vraiment, eux, ils font trop ièch), même les plantes ça me fait quelque chose. Bon, je n’ai jamais assisté à une corrida en « live », un je-ne-sais-quoi en moi a toujours su que cela aurait été au-dessus de mes forces, mais quand même, qu’est-ce qui me poussait alors à rester devant une retransmission de l’une d’elles ?! Qu’est-ce qui pousse d’ailleurs moult de gensses à aller poser leurs culs dans des gradins d’arène – sous une chaleur de guedin en général – pour regarder une personne au costume à la fois sublime et grotesque (poke Victor Hugo) s’agiter devant une montagne de muscles à quatre pattes et finir par lui planter une épée de 80 centimètres, jusqu'à la garde, entre le haut de la colonne vertébrale et l'omoplate droite ?!

Les débats, souvent bien agressifs, autour de la tenue de corridas ne sont pas nouveaux. Les « Pour », les « Contre », les arguments des uns, les raisonnements des autres ; le pataquès fait rage, encore aujourd’hui. « Il n'existe aucune liste officielle des endroits en France où cette tradition pourrait être invoquée, même si en avril 2000 un arrêt de la cour d'appel de Toulouse avait restreint cette activité "dans le Midi de la France, entre le pays d'Arles et le Pays basque, entre la garrigue et la Méditerranée, entre Pyrénées et Gascogne". Trois régions seraient donc concernées : Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Occitanie, Nouvelle Aquitaine. En dehors, il ne serait pas possible d'organiser de tels événements. » (TF1 Infos, novembre 2022). Il y a vraiment beaucoup d’affrontements qui se jouent dans une corrida : vie/mort, humain/animal, individu/public, dominé/dominant, victoire/échec, beauté/horreur, etc.

Le refrain de l’air « Votre toast », absolument pas connu sous ce titre qui est pourtant bien le sien, dit tout cela avec, en plus, la mise en lumière du lien entre l’Amour et la Mort, Eros (qui est plutôt le désir, mais bon, ne chipotons pas, il est tard alors que j’écris ces lignes) et Thanatos. « L’œil noir » qui tel celui de Dieu ou de sa conscience (suivant que l’on soit ou non croyant) poursuit Caïn après qu’il a tué son frère, Abel, pendant des années et jusque dans la tombe. Eh oui, ne sommes-nous pas frangins de tout ce qui est vivant sur cette bonne vieille Terre ? La « tradition » et tous les symboles qu’elle trimballe avec elle peuvent-ils vraiment justifier ce qui se déroule macabrement durant la période estivale dans ces constructions circulaires au sol de sable appelées arènes ? Aujourd’hui, je suis de celles et ceux qui pensent que non.             

FRAGMENTS SENSIBLES ET NON DOGMATIQUES

Par Laflote Sistoux

Bonjour,

j'ai exercé les métiers de journaliste-casteuse TV, d'assistante d'édition, d'attachée de presse politique, de conceptrice-rédactrice avant de passer, à quarante-six ans, le Capes de Lettres modernes et devenir Professeure de Français.

Par ailleurs, je suis auteure. J'ai publié trois livres Jeunesse : deux chez Folio Junior (1998) et un chez Gründ (2014).

Les derniers articles publiés