MARCHER D’UN PAS ASSURÉ VERS LA MORT.

Je n’ai jamais eu autant le sentiment de vivre pleinement que depuis que s’est installé en moi celui de marcher, enfin, d’un pas assuré vers la Mort.

Ou peut-être est-ce parce que je marche, enfin, d’un pas assuré vers la Mort que j’ai le sentiment de vivre pleinement ?

La poule et l’œuf…

Non que j’espère particulièrement rencontrer la camarde dès que possible. Au contraire. Pas comme autrefois où cela a pu être le cas. 

Juste je n’ai plus peur. 

La Mort, cette épreuve certaine pour chacun d’entre nous, qui que nous soyons, où que nous soyons, avec qui que nous soyons. Même vous, milliardaires insensés dont la vie toute entière se contorsionne pour tuer la Mort, vous vous retrouverez, un jour, le corps figé, si immobile que le vertige s’emparera de celles et ceux qui vous pleureront.

En revanche, l’idée de souffrir me tord esprit et boyaux, comme celle de la souffrance des autres, de tous les autres, et aussi l’idée de la perte des gens que j’aime. 

Mais ma mort à ouam, non. Je sais qu’elle viendra et, en fait, cette conviction aujourd’hui me rassure dans ce monde où les limites s’étiolent, où le règne de l’Incertitude s’étend, ombre terrible qui fait tant de mal à la Jeunesse.     

Elle reviendra peut-être cette peur, « chi lo sa ? » Mais, pour l’heure, depuis quelques mois, alors que je découvre que vivre peut être vraiment synonyme de joie complète - familiale, amicale, amoureuse, physique, intellectuelle, émotionnelle, mentale - la peur de ma mort a désertée mon intériorité. Cela peut sembler étrange, voire paradoxal, mais en fait non.

La joie dont je parle ici n’est pas béate, exempte de sentiments douloureux, de moments d’angoisse qui enserre l’esprit, le coeur et le corps ou de périodes de doute si forts qu’ils la font un instant presque disparaître ; non, juste la joie d’être en vie, et de (re)sentir combien c’est délicat et bien indispensable.

Accepter d’aimer et d’être aimée. Partager. Soutenir. Rire. Parler, se disputer parfois, mais parler, toujours (ce qui ne veut pas dire tout (se) dire). Chercher à s’approcher le plus près possible de ce qui fait sa singularité propre tout en veillant à prendre soin de celle des autres. Marcher sur le fil, tanguer, éprouver des frayeurs pas possibles, être à « ça » de la chute… chaque jour, chaque minute, chaque seconde.

Avancer, coûte que coûte (les séances de thérapie ont un prix, eh oui) - accompagné et accompagnant de soi-même et des autres – d’un pas assuré vers la Mort.

FRAGMENTS SENSIBLES ET NON DOGMATIQUES

Par Laflote Sistoux

Bonjour,

j'ai exercé les métiers de journaliste-casteuse TV, d'assistante d'édition, d'attachée de presse politique, de conceptrice-rédactrice avant de passer, à quarante-six ans, le Capes de Lettres modernes et devenir Professeure de Français.

Par ailleurs, je suis auteure. J'ai publié trois livres Jeunesse : deux chez Folio Junior (1998) et un chez Gründ (2014).

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