(TRANS)FORMATION(S).

Redoublement. Programmes allégés. Groupes de niveau. Stages de "réussite" durant les vacances scolaires. Outil "IA" de remédiation/approfondissement pour les élèves de Seconde. Gabriel Attal, Ministre de l'EN, a annoncé un certain nombre de mesures censées permettre aux petits français de remonter la pente du niveau scolaire.

Comme tous les enseignants de France, le 5 décembre dernier, j’ai reçu dans ma boite mail professionnelle une lettre du Ministre de l’Éducation nationale. À la première lecture, j’avoue avoir été séduite par le passage qui mentionne la disparition des consignes académiques de correction pour les épreuves du Brevet des Collèges. Nan parce que ces dernières étaient du style à nous (les profs) demander d’attribuer la moitié des points même quand la réponse était incorrecte (le candidat inversait “cause” et “conséquence” ou encore quand il s’agissait de relever des groupes nominaux, si le candidat y ajoutait le verbe, par exemple). B I E N V E I L L A N C E… #FoutageDeGueule

Dans sa lettre, le Ministre se réjouit que 230.000 enseignants aient répondu au questionnaire ministériel en ligne intitulé ““Exigences des savoirs”. Je fais partie de celles et ceux qui y ont répondu ; on ne peut pas passer son temps à déblatérer sur les dirigeants et, quand il y a une forme de consultation (quelle que soit sa valeur et surtout la prise en compte des résultats) ne pas “jouer le jeu”. Pour info, nous sommes 853.700 enseignants (premier et second degré) en France… À la louche, cela fait à peine plus de 25% de Profs qui ont répondu audit questionnaire, pas bézef : il n’y a vraiment pas de quoi se dire que l’on a établi des mesures en concertation avec les acteurs de l’EN. Bon, il faut dire que nos boites mail sont saturées de messages d'Inspecteurs (Académiques, hein, pas de police), de syndicats, tous plus longs et illisibles les uns que les autres (sont vraiment pas bons en Com tous ces braves gensses). Alors, évidemment, le nombre de Profs et autres AED, AESH, etc. qui n’ouvrent même pas les mails émanant du rectorat est considérable.

Bien peu de personnes s’intéressent de près à la façon dont (dys)fonctionne l’École, et ce pour des raisons diverses et variées : plus d’enfants scolarisés, déni, manque d’informations, enfants scolarisés pour qui cela se passe plutôt bien (si les parents savaient à quel point les exigences ont baissé, ils se soucieraient un chouïa plus de savoir à quoi correspondent les notes de leurs enfants au regard du savoir acquis), manque de temps, etc. Et, dans le même temps, les profs n’ont de cesse d’être pointés du doigt : trop absents, trop en vacances, trop sévères, trop ceci, pas assez cela, patati et patata. Les Directions des Services Départementaux de l’Éducation Nationale (DSDEN) peuvent recevoir jusqu’à une centaine de lettres par mois se plaignant de telle ou telle façon d’agir de profs envers leurs élèves. Ne nions pas que certain(e)s collègues agissent parfois de façon inappropriée avec les gosses (cela m’est arrivé aussi, évidemment ; dans ces cas-là, il faut s’excuser, les élèves savent toujours apprécier cela), et quand c’est récurrent cela pose de sérieux problèmes à résoudre au plus vite, mais quand on a eu accès à quelques-unes de ces missives parentales, sincèrement c’est flippant.

L’École est un lieu où tout le monde est maltraité et finit souvent par devenir maltraitant : les chefs d’établissement, les équipes pédagogiques (je ne sais même pas pourquoi je parle d’équipe d’ailleurs), les AED, les AESH. Une collègue m’a dit récemment : “À force d’être maltraité, on ne se rend même plus compte qu’on l’est !” Et puis, il y a cette nébuleuse que l’on nomme “le Rectorat”, prolongement territorial du Ministère de l’EN, et donc du Président de la République puisque celui-ci a déclaré à l’hebdomadaire « Le Point » le 23 août dernier que « l'Éducation fait partie [de son] domaine réservé. » Le Rectorat où évoluent des gensses aux missions plus ou moins utiles et pour certains extrêmement bien rémunérés. Côté RH, on peut dire que ce n’est pas la panacée, loin de là. À l’heure où l’image de l’École de la République est plus écornée que jamais, où le recrutement de nouveaux enseignants est devenu un immense n’importe quoi (pour info : enseigner ne consiste pas à se planter devant un groupe de mômes et blablater pendant plusieurs fois 50 minutes/jour), pourquoi diable ne prend-on pas soin de celles et ceux qui sont sur le terrain, face à des jeunes de moins en moins motivés (#Euphémisme) ? Et le Ministre n’a pas fait une seule proposition de revalorisation (c’est à dire sans contre-partie) de nos fucking grilles de salaire, de refonte de la formation des profs : en deux ans de Master MEEF, je n’ai eu que deux heures sur la psychologie de l’enfant et de l’adolescent (!!!!!!!) et, à part ingurgiter ce que l’on appelle le “savoir savant”, on ne nous a JAMAIS donné aucun outil pour créer des cours modulables en fonction de l’évolution cognitive des élèves. L’École française semble toujours être en décalage avec le réel de ce qu’il se passe dans les classes.

Le problème MAJEUR est le manque (je n’ose écrire l’absence) de MISE AU TRAVAIL des enfants/adolescents (même chez les étudiants ; j’ai des retours sur le niveau de jeunes en Master, cela fait glisser des perles de sueur glacée le long de la colonne vertébrale). La question est comment intéresser des élèves qui ont du mal à regarder des vidéos (Instagram, Snapchat, TikTok) qui durent plus d’une minute ?! Vous voyez un peu le niveau de capacité de concentration ?! Parfois me vient en tête l’idée de m’en foutre de savoir ce que les gosses vont retenir ou pas de ce que j’essaie de leur enseigner ; pas mal de mes collègues, après des années et des années passées devant des classes, en viennent à ce stade de non implication. On vient, on fait cours et on se tire ; les mômes, leur bien-être, leur mal-être, finalement, pas mal de profs s’en tamponnent le coquillart. Ne serait-il pas temps de se demander POURQUOI ils (la très grande majorité d’entre eux) ne bossent pas (du tout) ? Je veux dire bien moins que ce que déjà ne bossaient pas les générations précédentes.

Ah oui, et puis que dire de la façon dont est traité le harcèlement (fléau qui a pris des proportions délirantes depuis l’avènement d’Internet) ? On envoie des collégiens “harceleurs” (qui ont donc entre 11 et 14 ans, des enfants donc - rappelons que les spécialistes de la question mentionnent que l’adolescence dure aujourd’hui jusqu’à… 25 ans !) devant le Procureur de la République ?!?! Mais qu’est-ce que c’est que ces conneries ?!?! Un gamin de cet âge (en fait plusieurs car rarissime sont les faits de harcèlement dû à un élève sans suiveurs) a-t-il seulement la possibilité de se réguler ? Ah c’est sûr que faire en sorte de comprendre le pourquoi du comment demanderait du temps et de l’argent… Quand on voit comment bien des adultes harcèlent en ligne d’autres adultes, on peut légitimement se poser la question du modèle que nos enfants ont sous le nez.

Je n’ai aucune solution miracle (dommage, fortune et gloire seraient assurées pour les descendants de mes descendants !), juste des intuitions : pouvoir accompagner les élèves dans leurs besoins spécifiques (ce qui est IMPOSSIBLE dans des classes à plus de 15), pourquoi pas en co-enseignement d’ailleurs, les ramener dans le réel (expositions, théâtre, balade en forêt pour la SVT, retour des expériences en chimie, cours à l’extérieur lorsque la météo le permet, que sais-je encore) et puis de la lecture partagée avec des travaux d’écriture et des explications sur le fonctionnement de la langue.

Il y a quelque chose de (bien) pourri au royaume de l’Éducation nationale (ouais, William Shakespeare réutiliserait cette formule Hamletienne s’il revenait d’entre les mourrutes), et c’est tout de même sacrément problématique.

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FRAGMENTS SENSIBLES ET NON DOGMATIQUES

Par Laflote Sistoux

Bonjour,

j'ai exercé les métiers de journaliste-casteuse TV, d'assistante d'édition, d'attachée de presse politique, de conceptrice-rédactrice avant de passer, à quarante-six ans, le Capes de Lettres modernes et devenir Professeure de Français.

Par ailleurs, je suis auteure. J'ai publié trois livres Jeunesse : deux chez Folio Junior (1998) et un chez Gründ (2014).

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